Les Mains

N’a d’équivalent chez leurs confrères les pieds.

Alors que nos pieds foulent la terre

Nos mains dansent et tournoient en l’air

Aériennes, bouffonnent, distinguées ou sans manières

Les mains parlent, se frottent, se baladent, se donnent

Et prennent notre courage

Les pieds se traînent, sont bêtes, se lèvent du mauvais côté

Et font trop souvent nos plus bas ouvrages.

 

Il n’y a que lorsque l’on fait des pieds et des mains que ces deux-là se tolèrent

Et lorsqu’ils se retirent tout deux l’épine et le poil,

Et qu’ils redeviennent deux créatures rivales

On peut sans conteste dire que c’est encore la faute à Voltaire.

 

Mais trêve de portraits loufoques entre feuille et racine

Car nos mains, si elles ne sont pas divines

N’en portent pas moins, toutes les qualités

Newton, De Vinci, Curie et Mozart en avaient de toute beauté.

 

Et puisqu’il faut vraiment nommer ce que les mains font et créent

C’est aussi à détruire qu’elles aiment travailler

En creusant des sillons ou coule larmes et sang infécond

Staline, Mao Zedong et Hitler les ont transformées en outil d’agression.

 

Et pour nous, les absents de l’histoire

Qui font des trajets sur les chemins du soir

C’est aux rencontres qui ne font pas de bises

À la fin d’un concert aux bravos diluviens

C’est pour gesticuler, de tout et de rien

Que nos mains sont la pierre d’assise.

 

C’est une amie qui raconte ses joies

Une mère qui sent naître la vie pour la première fois

Un père attendri qui console son enfant,

C’est toujours par les mains que ce font ces instants

Et tous les jours, peut-être, plus humainement.