Aux petites entrevues philosophiques

Est-on tous prisonniers de notre propre hypersexualisation?

Il y a deux catégories de personnes responsables de l’hypersexualisation des humains. Ceux qui la font ou ceux qui la consomment. La plupart du temps ce sont des hommes qui la finance et des hommes qui la consomme. Ce sont les femmes qui reçoivent certains dividendes en échange de leur image corporelle. Dans un jargon culinaire élémentaire il s’agirait d’un sandwich de mauvaise qualité ou les hommes sont les tranches de pain fade et les femmes le ‘baloney‘ ou le saucisson.  

Quelle serait le meilleur moyen d’enrayer l’hypersexualisation dans notre société?

Star Trek. Plus besoin de travailler, sauf par désir et selon nos compétences, donc pas d’échange monétaire ou de troc, pas de croyances religieuses, tout le monde vêtu de la même manière, une mission commune pour toute l’humanité. Et voilà! C’est réglé!

Donc vous affirmez que l’enrayement de l’hypersexualisation dans nos sociétés est une science-fiction?

J’affirme que l’humanité et surtout les économies capitalistes sont menées par la finance et le profit. La violence, le sport, le sexe, le divertissement et la peur sont les principaux vecteurs économiques de nos sociétés. Star trek en tant que marque de commerce continu de faire énormément d’argent. On sait pertinemment ce qui devrait être fait pour améliorer la condition humaine sur la planète mais peu d’efforts globaux concrets sont réalisés, ça c’est la vraie science-fiction!

A-t-on tendance à hiérarchiser les motifs pour lesquels nous avons des relations sexuelles?

Bien sûr. Dans ce type d’activité on pourrait croire que le désir (ou la biologie) est à la base de toutes les relations sexuelles humaines. Objection votre honneur! Pour la plupart, ce sont des motifs rationnels sous-tendus par une logique d’échange. Que ce soit pour l’amour, la gratitude, par vanité, pour le plaisir, les enfants, un partenaire stable, l’argent, combler sa solitude, on peut même le faire par devoir ou pour porter des vêtements en cuir moulant mauve à pois vert en toute impunité.

Et est-ce que ces raisons sont bonnes et légitimes?

D’un point de vue moral il n’y a pas de mauvaises raisons si ça ne cause pas de tort à autrui! Le problème c’est que beaucoup trop de personnes aujourd’hui place l’amour au sommet de l’échelle de la pyramide du sexe. Vous imaginez l’échelle? L’amour devient alors le tabernacle contenant la clé en or de la ceinture de chasteté en argent du minou ou des couilles en bronze du sexe! Mais au final, si notre morale est flexible, pas comme Arnold Schwarzenegger dans une classe de Yoga par exemple, on utilisera le sexe ou encore notre image corporelle pour obtenir beaucoup d’autre choses que l’amour. Ce qui, selon moi, occasionne beaucoup de tristes mésaventures sur le marché de l’amour.

Si on évacue l’amour, le sexe serait alors une simple transaction selon vous?

Il faut clarifier quelque chose. Il peut exister plusieurs raisons simultanément. C’est comme faire un pot luck avec des Nicaraguayens, des Somaliens et des Coréens, ça va être ‘funky‘ pour la digestion mais on aura droit à des expériences gustatives nettement différentes. L’amour c’est un pot luck de sentiments mais et il est populaire comme motif parce qu’il semble être le plus éloigné de la notion transactionnelle dans nos échanges sexuels. L’amour donne des ailes là où les autres motifs nous ramènent à un réalisme décevant. Dostoïevski disait que: ‘se mentir à soi-même est plus profondément enraciné que de mentir aux autres‘. L’amour demeure toutefois le plus beau mensonge que nous acceptons de vivre.

Est-ce que la sexualité est libre?

Bien sûr que non. Si elle était libre il n’y aurait aucun jugement et aucune pénalisation des raisons pour lesquelles on utilise nos capacités sexuelles. Si notre sexualité avec les autres était vraiment libre elle serait aussi naturelle que le fait de manger, de dormir et de se masturber. Au final, on ne peut rien reprocher aux personnes qui préfèrent regarder le hockey ou tricoter… ou inversement. Si elle était vraiment libre, nous pourrions vivre dans un monde ou la sexualité serait libérée du paternalisme politique et moral. Les maladies reliées à la sexualité existeront toujours, mais il y aurait beaucoup moins de contraintes fâcheuses conséquentes à vivre notre désir. Il y a encore plein de choses à explorer et à découvrir sur la planète terre, pourquoi investir autant dans l’exploration spatiale?

En terminant, un mot de la fin concernant l’hypersexualisation sur les réseaux sociaux chez les jeunes?

La problématique de l’hypersexualisation sur les réseaux sociaux c’est qu’en tant qu’individus de notre société, nous pouvons moralement condamner un ou une prostituée qui vend son corps contre rémunération mais en même temps publier des centaines de photos à connotation sexuelles sur Instagram. Dans les faits, nous désirons avoir des relations sexuelles dans un cadre amoureux mais nous affichons notre corps dans une multitudes de contextes ou il n’y a pas un gramme d’amour. Ça commence jeune. Le peigne à la main, devant le miroir. On se regarde de face, de profil, de dos et on fait rouler sa mécanique. On se rase, on s’épile, on se maquille, on cache nos défauts ou nos complexes avec des vêtements. On se fait faire toutes sortes de traitements jeunesse, des crèmes, des médicaments, des chirurgies. N’est-ce pas une autre forme de prostitution dans le sens classique du terme? Prêt à tout pour obtenir quelque chose en retour? On se vend un peu tous comme des gigolos ou des putes dans nos sphères respectives, mais pas strictement pour de l’argent. Ne devrions-nous pas ressentir une honte à nous assumer en tant que tel? Pourquoi ne pas conserver nos capacités et nos énergies sexuelles pour nous-mêmes et les privilégiés avec qui nous désirons les partager au lieu de les afficher partout et nulle part?     

De plus, à partir d’un certain âge, beaucoup d’entre nous finissent par abandonner la partie. On fini par s’en foutre! Mais d’autres n’abandonnent jamais leur image et leur égo ‘stéroidé’. C’est le drame de vies comme celle de Madonna et de Sylvester Stallone par exemple. Plus l’activité humaine et/ou professionnelle s’est créée autour d’une commercialisation de l’image corporelle, on le voit chez beaucoup d’acteurs par exemple, et plus le vieillissement doit leur sembler cruel et monstrueux. Mais à quel point ne sont-ils pas eux-mêmes victimes de leur propre image? À chaque fois que je vois un de ces acteurs ou personnalité médiatique essayer de se rajeunir à coup de technique coûteuse et dangereuse, je ne peux pas m’empêcher d’y voir un manque de sagesse flagrant. Celui qui diabolise la vieillesse et la rend aussi grave qu’une maladie incurable est un créateur de folie humaine. Est-ce le monde que nous souhaitons partager avec les générations futures? Chacun de nous est responsable.

Bibliographie

Ruwen Ogien, L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine, Grasset, Paris, 2011, 336p.